L’enseignement est une sphère complexe, non seulement il évolue au rythme de certains courants de pensée, mais aussi parce qu’il met en jeu des relations humaines, des points de vue variés, des profils sociodémographiques différents, etc.
Approches behavioristes
Cette réalité m’a amené à revoir mes façons d’enseigner et la manière de transférer mes connaissances aux étudiants. Je reconnais la valeur des approches behavioristes, mais elles me déstabilisent, puisqu’elles sont à l’opposé de mon cadre de référence. L’apprentissage est un changement durable de comportement ou une capacité à se comporter d’une manière donnée (traduction libre, Ertmer et Newby).
Un doute sur cette approche
Je mets en doute la valeur d’une simple bonne réponse à une question posée. Est-ce qu’il y a une réelle compréhension? Si l’environnement change, l’étudiant pourra-t-il utiliser d’autres schèmes de pensée pour formuler une autre bonne réponse? J’en doute !
Les idéateurs de cette pensée mettent l’accent sur les conséquences et les réactions après que l’enseignant a mis toutes les conditions pour obtenir LA réponse appropriée. Un effet possible est de réduire le jugement critique et la capacité de transfert. Honnêtement, je trouve que tout le fardeau est mis sur les épaules de l’enseignant qui doit produire les meilleures conditions de succès (stimuli) afin que les étudiants réussissent.
Approches cognitivistes
Au-delà de la réponse correcte, le processus mental est beaucoup plus révélateur d’une réelle compréhension de la matière. À cet égard, je retiens que les théories cognitivistes ont apporté un éclairage nouveau en mettant le processus de réflexion et d’appropriation au cœur de la démarche. De mon côté, depuis quelque temps, lorsque je soumets une problématique de communication en classe, je souhaite que les étudiants interagissent et qu’ils réorganisent l’information pour élaborer une solution adaptée au contexte de l’entreprise.
Nouvelles approches
Mais ce qui raisonne le plus dans ma pratique, ce sont les courants constructivistes et connectivistes. Depuis les dernières années, je mise sur l’expérience dans l’apprentissant en proposant des études de cas à résoudre en équipe. Pour aller encore plus loin dans cette optique, je tente de créer des connections avec d’autres types de connaissances (l’actualité, les interventions sur les médias sociaux, les expériences passées des étudiants, etc.). À ce moment, je sens que les étudiants réussissent un réel transfert de connaissance et deviennent plus habillent à construire eux-mêmes d’autres types de connaissances, voire innovantes. Ce changement de paradigme en éducation a donné un second souffle à mon enseignement. Je m’y sens beaucoup plus confortable, et motivée à aller plus loin en ce sens.
Dans le prochain billet de blogue, je vous expliquerai plus en détail les effets porteurs des changements de paradigmes dans l’enseignement.
Voudriez-vous ajouter un élément ou me faire voir un autre côté de la médaille? Allez-y 🙂 !
Judith
Julie dit
Je suis en accord avec tes propos. Je crois que les approches se valent dans leurs époques respectives et qu’elles s’imbriquent l’une après l’autre avec l’ère du temps en fonction de nouvelles découvertes concernant l’être humain.
Cependant, je nuancerais l’idée concernant le béhaviorisme, je crois que cette approche est pertinente dans plusieurs contextes d’apprentissage. À certains moments de l’éducation d’une personne, il est nécessaire d’utiliser une approche basée sur le conditionnement-stimulus-réponse. Je pense notamment à l’apprentissage de comportement ou de tâches répétitives. Mais bref, tu as raison, pas dans le cadre de programmes collégiaux ou universitaires dans lesquels, au contraire, on tente de déconstruire nos schémas mentaux pour s’ouvrir sur une multitude de possibilités !
Merci pour ton billet 🙂
Élise Ledoux dit
J’apprécie beaucoup comment tu as partagé l’évolution de ta pratique enseignante au regard des théories de l’apprentissage. Je partage le même malaise que toi face au behaviorisme. Comment concevoir que le changement de comportement puisse être le seul indicateur d’un apprentissage. Il me semble que l’approche par les capabilités développée par Amartya Sen apporte un éclairage supplémentaire sur les limites de cette théorie. Cette approche permet de croiser ce que l’individu est capable de faire et ce que son environnement le rend capable de faire. Cette distinction m’interpelle beaucoup puisque mon enseignement s’appuie en grande partie sur l’apprentissage expérientiel en milieu de travail, avec ses opportunités mais aussi ses contraintes. C’est d’ailleurs en partie pourquoi le socioconstructivisme m’inspire davantage puisqu’il place le social à l’avant plan de l’apprentissage et insiste sur l’importance des interactions avec les pairs et l’environnement.
Judith Goudreau dit
Merci Elise. Je suis d’accord avec toi. Les interactions apportent véritablement une valeur à la pédagogie et aux nouvelles connaissances.
Judith Goudreau dit
Merci Julie ! Tu as raison sur le behaviorisme et j’aurais mille exemples pour le prouver, que ce soit en matière d’éducation des enfants ou lorsque j’enseigne certaines notions très spécifiques (par exemple, certains réflexes de communication que l’on voudrait développer chez les étudiants).
Juan Carlos Restrepo V dit
Bonjour Judith. Merci pour votre publication qui montre encore une fois l’âme d’éducatrice que vous avez.
Je partage avec vous l’approche selon laquelle chaque théorie porte implicitement un ensemble de concepts et de points de vue qui, mis ensemble dans un schéma de pensée, deviennent complexes… ils deviennent un discours.
Je me souviens que Michel Foucault a dit à juste titre que les discours sont des actions hégémoniques de la parole qui créent des réalités. Et sans le savoir, ou en le sachant, nous avons suivi aveuglément des discours sans esprit critique. L’obligation de déconstruire les discours a été oubliée par les « êtres imprégnés d’université » que nous sommes.
Dans ce contexte, chercher à respecter l’autre à partir de sa pensée et de son être nous conduira à des théories de l’apprentissage dans lesquelles le rôle principal est joué par l’apprenant et non par le discours, l’enseignant ou la politique du centre éducatif.
Je partage votre résonance pour les théories constructivistes qui amènent à avoir un enseignant comme éducateur qui montre des chemins et un apprenant qui apprend par lui-même et avec l’autre dans un contexte social déterminé.
Merci encore pour votre texte.
Juan Carlos
Naoufel Remili dit
Merci Judith pour cette réflexion. je suis tout à fait d’accord avec ce que tu as écrit. en revanche, je pense qu’il y a de la place pour différentes stratégies d’enseignement dans un processus d’apprentissage. on peut commnecer par donner la matière, à travers notamment des méthodes behavioristes et par la suite utiliser des méthodes plus actives pour que les étudiants puissent manipuler les connaissances, les questionner et comprendre leurs fondements et les confiditions dans lequelles elles peuvent être utilisées.
par ailleurs, avec le monde dans lequel on vit et le profil des apprenants, les méthodes constructivistes, voire sociocontructivistes semblent définitivement plus appropriées.